Nathalie

Roy

Romancière, Nathalie Roy a écrit la populaire série La vie épicée de Charlotte Lavigne, publiée chez Libre Expression et La vie sucrée de Juliette Gagnon

 En cette veille du 5 à 7 prévu pour la sortie de mon prochain roman, je n’ai que 12 invités confirmés. Si on ajoute les quatre amis qui ont cliqué: «peut-être», ça totalise 16 personnes. Dont mes parents et leurs voisins qu’ils ont convaincus à grands coups de Téquila paf. Quelle horreur!

Comment se fait-il que si peu de gens soient au rendez-vous? Pourtant, ça vaut vraiment la peine de venir faire un tour. J’offre mon bouquin à prix d’ami, un drink gratuit, des bouchées festives, des cupcakes cuisinés sur place et des chèques-cadeaux pour des déjeuners au resto. Tout ça dans un des bars les plus in de ma ville, avec l’animation d’un D.J. hyper sexy!

Qu’est-ce que ça prend de plus? Un concours pour gagner un voyage pour deux dans le sud? Pas question de m’endetter simplement pour ne pas perdre la face.

En regardant les cinq boîtes de livres que je suis allée chercher à l’entrepôt en vue du party de demain, je sens le découragement me gagner. Cent romans qui ne trouveront pas preneurs. Qu’est-ce que j’ai pensé?

J’ai surestimé mes capacités à attirer du monde. Quand est-ce que je vais comprendre que je ne suis pas connue? Mes problèmes de faux vedettariat seront réglés une fois qu’on m’aura vue à la télé, mais d’ici là, je dois m’ajuster.

 

Stratégie discutable

Il me faut trouver une stratégie pour créer un «oumph» autour de mon lancement. Il n’y a qu’une façon d’y arriver et c’est qu’il soit couru par les stars. Ce sont elles qui attireront la foule. Je n’ai plus qu’à m’y mettre.

Je passe la soirée à lancer des invitations à des gens qui ne savent ni d’Ève, ni d’Adam qui je suis. L’animatrice la plus populaire du Québec? Le maire de ma ville? Le chanteur pop que toutes les filles adorent? Aucune gêne, je les convie tous!

Je ne néglige pas non plus mes amis auteurs célèbres, dont Collègue Sanguinolent, qui écrit des histoires d’horreur et cette autre romancière qui fait dans la littérature jeunesse et dont les chiffres de vente me font crever de jalousie.

En fait, je me doute bien qu’aucun d’entre eux n’acceptera, mais l’important c’est qu’ils figurent maintenant sur ma liste d’invités. Ce qui laisse croire que je suis hot et que je fréquente des personnalités publiques. Je pousse ma chance en inscrivant quelques commentaires sur Facebook, du genre: «Attendez de voir qui sera à mon lancement».

Je ferme mon ordinateur en croisant les doigts pour qu’un miracle se produise et je me couche. Si demain, le nombre de participants est le même, je m’invente une maladie rare et fulgurante pour justifier l’annulation de mon 5 à 7. Point final!

 

C’est l’euphorie ?

Le lendemain, je constate avec joie que mon plan a fonctionné. Ils seront au moins 40 à m’acclamer ce soir. Bon, ce n’est pas la mer à boire, mais c’est respectable.

Entre un rendez-vous chez le coiffeur, une manucure et l’achat de ballons multicolores pour décorer la salle, la journée passe à la vitesse de l’éclair.

Je suis dans un état d’euphorie totale, d’autant plus que ma liste ne cesse d’augmenter d’heure en heure. Oh que je vais vendre des romans ce soir!

C’est finalement le moment tant attendu. L’endroit est bondé et je suis aux anges. À part quelques groupies qui me demandent à quel moment telle ou telle vedette se pointera, tout se passe bien. Je viens de terminer mon discours de remerciement et me voilà assise pour signer des livres.

J’ouvre une des boîtes qui contient mes œuvres et mon cœur s’affole. C’est quoi ces bouquins à la couverture noire et rouge? Certainement pas mon dernier tome de chick-lit. Je fouille frénétiquement dans chacun des cartons et c’est partout pareil: on m’a donné des exemplaires du dernier polar de Collègue Sanguinolent! Quelle erreur monumentale!

Me voilà devant une file impatiente de lire les dernières aventures de mon héroïne en escarpins roses et tout ce que j’ai à leur offrir, c’est des histoires de meurtre à la hache… Plus loser que ça, tu meurs!

Qui vient à mon lancement ?

Douze participants… Seulement 12 participants? Ça va être un fiasco ce lancement-là! Les yeux rivés sur la page de l’événement Facebook que j’ai créée la semaine dernière, je commence à paniquer sérieusement

ILLUSTRATION JOHANNA REYNAUD