Nathalie

Roy

Romancière, Nathalie Roy a écrit la populaire série La vie épicée de Charlotte Lavigne, publiée chez Libre Expression et La vie sucrée de Juliette Gagnon

-Noire et rose.

Voilà ce que je réponds au policier qui me harcèle depuis tout à l’heure pour que je lui fournisse mille et un détails sur ma voiture. La couleur, la marque, l’année, etc… Non mais on s’en fout!

Je viens de me faire voler mon petit bolide et l’important c’est que les forces policières le retrouvent le plus vite possible. Pas que son représentant en chemise bleue à manches courtes me fasse subir un interrogatoire digne d’un épisode d’Esprits criminels. Si ça continue, il va fouiller dans mon passé pour tenter de prouver que j’ai moi-même orchestré la disparition de mon véhicule.

-Une voiture noire et rose? J’ai jamais vu ça.

-Elle est noire, mais avec des accessoires roses.

L’agent me regarde d’un air réprobateur et me demande d’être précise dans mes réponses. OK, mais est-ce qu’on peut se dépêcher? J’ai un rendez-vous dans quelques minutes et j’ai absooooolument besoin du matériel qui se trouve dans mon auto.

Ce soir, je suis invitée à la bibliothèque municipale de mon quartier, pour donner une conférence sur mon métier d’auteure. C’est mon premier événement du genre et je suis hyper nerveuse. Angoissée même.

Avec ce qui m’arrive, je suis carrément en train de devenir folle. Respire, la romancière, respire!

 

Récapitulons les faits

-Vous l’avez donc stationnée ici vers 17h20?

Pour la troisième fois, le policier récapitule les faits, en montrant l’espace de stationnement vide. Oui, je l’ai laissée là, puis je suis entrée dans le centre commercial pour acheter des bricoles pour ma conférence.

Le policier continue de me bombarder de questions. Il m’a prise en grippe, c’est clair. Je ne sais plus quoi dire pour attirer sa sympathie et le convaincre de l’urgence de la situation.

Si je me présente à la bibliothèque sans mon ordinateur et le document Power Point que je dois projeter sur un écran, je vais être dans le trouble solide. Je vais tellement paniquer que ne saurai plus quoi raconter à la centaine d’invités.

Ils ne méritent pas d’assister à une performance minable. De plus, je n’ai aucune copie de mon roman en ma possession. Ils étaient tous dans l’auto!

Non seulement je n’aurai aucun livre à faire tirer comme promis, mais je viens de perdre des centaines de dollars. Parce que mes oeuvres, on ne me les donne pas gratuitement. À part quelques copies de gracieuseté, je dois les acheter dans un entrepôt. D’accord, ils sont moins coûteux que dans une librairie, mais je les paye quand même!

 

Un petit café?

Le policier m’offre de terminer la conversation autour d’un café. Je monte à bord de l’auto-patrouille avec un certain scepticisme. Pourquoi est-il soudainement gentil? Est-ce un stratagème pour m’amadouer et me faire avouer des choses que je n’ai pas faites? Mieux vaut rester sur mes gardes et ne pas me laisser gagner par son sourire d’un million de dollars.

Nous roulons en silence dans le stationnement quand j’aperçois une auto noire…et rose. Hein? Le voleur l’a simplement déplacée? Quel imbécile tout de même! À moins que…

En y regardant de plus près, je réalise que la décapotable à gauche est exactement celle que j’avais remarquée plus tôt. Oups! J’ai encore été distraite.

La bonne nouvelle, c’est que je n’aurai pas l’air complètement désorganisée ce soir. La mauvaise, c’est que je dois l’annoncer à l’agent au sourire dévastateur sans m’attirer ses foudres. Je décide que la fuite est la meilleure solution.

-Arrêtez ici, j’ai oublié un truc au magasin.

Méfiant, il s’exécute néanmoins. Je me précipite à ma voiture et je décolle sur les chapeaux de roues. En passant devant l’auto-patrouille, je fais un gentil tata au constable qui me regarde éberlué.

J’arrive à la biblio en retard et je me heurte… à une porte fermée. Non, non, non! Je cogne dans la vitre, espérant qu’ils n’ont pas annulé la soirée. Pas de réponse, l’endroit est désert. Je m’approche pour regarder à l’intérieur et je vois une affiche annonçant la conférence, qui a lieu…demain. Encore victime de ma distraction de romancière. Deux fois dans la même journée, faut le faire!

AU VOLEUR !

ILLUSTRATION JOHANNA REYNAUD