Nathalie

Roy

Romancière, Nathalie Roy a écrit la populaire série La vie épicée de Charlotte Lavigne, publiée chez Libre Expression et La vie sucrée de Juliette Gagnon

-Madame, qu’est-ce que vous faites-là?

Le ton sévère du policier m’intimide. C’est qu’il n’a vraiment pas l’air content… Mais bon, je dois admettre qu’il est possible, je dis bien possible, que j’attire l’attention.

 

Je me trouve devant un des plus populaires Sex shop du Québec, en plein centre-ville de Montréal. Euh… comment je sais qu’il est populaire? Ça fait une bonne demi-heure que j’observe la façade du commerce et je constate que le va-et-vient est constant. D’ailleurs, c’est certainement la raison pour laquelle le policier m’a abordée. Si je m’étais plantée devant une boutique de chaussures, il ne l’aurait jamais fait.

-Rien, rien, je….magasinais.

-Vous magasiniez en prenant des photos?

Oups… c’est vrai qu’il peut paraître étrange de voir une jeune femme en imper noire photographier les divers objets étalés dans la vitrine d’un Sex shop, comme ces bonbons en forme de … vous-savez-quoi! Mais j’ai une bonne raison : c’est pour mon travail.

Oui, oui, je fais de la recherche active pour mon roman. Rien d’autre, je le jure. Maintenant, comment convaincre ce policier que je suis inoffensive? Le mieux, c’est de lui dire la vérité. Je commence par retirer ma casquette à large rebord, qui fait un peu trop Sherlock Holmes, et je lui offre mon plus beau sourire. Il reste de marbre. Ouf… la partie n’est pas gagnée d’avance.

Je lui explique que je suis romancière et que j’ai besoin de voir de mes propres yeux ce que je vais décrire dans mes livres. Ça m’aide à rendre mes scènes plus réalistes.

-Ah bon? Vous publiez de la littérature érotique?

-Mais non!

 

Fichue série!

C’est quoi cette idée que, parce qu’on écrit quelques scènes d’amour ou de sexe, on fait automatiquement dans l’érotisme. C’est la faute à la fichue série 50 nuances de Grey.  Depuis la publication de cette trilogie si populaire, les gens s’imaginent que je suis prête à faire n’importe quoi pour obtenir pareil succès. Même à transformer mon histoire de romance à l’eau de rose en aventure sadomaso redondante comme c’est pas possible…Jamais!

D’accord, le roman que j’écris présentement est, disons, un peu plus pimenté que mes précédents mais mon personnage masculin n’est pas un milliardaire tourmenté par des démons intérieurs et mon héroïne n’a rien d’une soumise qui se mordille constamment la lèvre inférieure… geste qui m’a profondément énervé tout le long des trois tomes.

Lecture que je me suis imposée uniquement par souci professionnel, cela va de soi. Fallait bien savoir de quoi il en retournait!

-Ça ne tient pas votre argument!

La voix du constable me tire de mes réflexions. Il affirme que «de nos jours, tout le monde fait ses recherches sur internet». Pardon? Pas moi! Une vraie auteure a besoin de sentir le pouls des gens, pas juste de voir des images ou de lire des textes sur un écran.

Mon explication le laisse perplexe. L’agent me questionne ensuite sur mon autre comportement étrange : se parler à soi-même. Merde! Moi qui croyais qu’il n’avait rien remarqué.

 

Mensonges et insultes

Quand j’observe les gens dans la rue, il me vient tout plein d’idées pour mes personnages. Je ne veux surtout pas les perdre! C’est pourquoi au lieu de les noter, j’enregistre mes impressions sur mon cellulaire. Je ne me parle pas toute seule. Évident, non?

Encore une fois, le policier reste sceptique. Décidément, il n’est pas vite, vite. Bon, inventons une autre histoire. Après tout, c’est mon métier.

-En fait, je veux partir ma propre boutique érotique en banlieue et je suis venue ici pour m’inspirer.

Comble de tout, le policier m’accuse d’espionnage industriel. QUOI? Non mais il veut vraiment me coffrer, celui-là. Eh bien, donnons lui une bonne raison de le faire. Je commence à l’insulter, le traitant de gros lourdaud, de «pas de vie», de policier sans envergure, etc…Tout ça n’est pas vrai, le policier, malgré son air rébarbatif, est plutôt bel homme.

Piqué au vif, il m’ordonne de monter à bord de l’auto-patrouille, m’informant qu’il m’amène faire un tour au poste.

À vos ordres, capitaine! C’est tout sourire que j’obéis, en route vers de nouvelles aventures qui, je l’espère, me donneront de la bonne matière pour mon roman policier que je tarde à terminer. Et pourquoi pas, pour une nouvelle intrigue amoureuse...Reste juste à ce qu’il me passe les menottes.

 

Quand recherche
rime avec sexe…

ILLUSTRATION JOHANNA REYNAUD