Nathalie

Roy

Romancière, Nathalie Roy a écrit la populaire série La vie épicée de Charlotte Lavigne, publiée chez Libre Expression et La vie sucrée de Juliette Gagnon

Il me fait marcher, c’est évident. Il ne peut pas m’imposer cette requête pour vrai. Je ne vois pas qui, ici, a besoin d’un tel service. Bon, d’accord, en y réfléchissant, je connais quelques collègues auteurs à qui ça ne ferait pas de tort de surveiller leur queue. Mais ça, c’est une autre histoire. Et comme le veux la maxime : «Ce qui se passe au salon reste au salon».

Devant mon air perplexe, le bénévole au chandail vert fluo sent le besoin de préciser sa pensée.

-Surveille la queue de la souris!

Hein? Me voilà encore plus mêlée. De quoi parle-t-il? Je regarde autour de moi pour m’assurer qu’il n’y a pas un quelconque blogueur, chroniqueur ou journaliste-citoyen à l’affut de nouvelles sensationnalistes. Parce que s’il y a des souris dans la place, la direction de ce charmant salon d’une région éloignée est dans le trouble.

J’imagine déjà le texte sur le web dans dix minutes : «Le salon du livre envahi par des rongeurs. Déclaré insalubre, il ferme ses portes en catastrophe. Des auteurs ont avoué avoir eu la frousse de leur vie en découvrant que des souris avaient mis bas sous leurs tables de signatures. Ils entendent poursuivre les organisateurs de l’événement pour dommages moraux.»

Par prudence, je lève délicatement le voile noir qui recouvre la petite table sur laquelle j’ai déposé mes romans. Fiou! Aucune trace d’accouchement récent ici. Bon, c’est quoi le fond de cette histoire?

 

Nouvelliste à trois copies

Je m’avance vers le bénévole qui est maintenant sollicité par un nouvelliste hyper chiant, lequel a vendu trois copies de son dernier recueil. Ils sont comme ça, ceux qui rédigent des nouvelles; moins ils en vendent, plus ils sont détestables. C’est une classe à part, de laquelle je n’ose m’approcher avec une perche de dix pieds, moi la romancière populaire. Je reste donc légèrement à l’écart, attendant que l’auteur en question en finisse avec ses récriminations.

Curieuse, je tends l’oreille pour vérifier s’il se plaint de la présence de petits mammifères à son kiosque. Il va peut-être les accuser d’avoir grignoté ses exemplaires, ce qui lui permettrait de se faire rembourser quelques livres… et de s’imaginer qu’il les a vendus. Il ne serait plus le nouvelliste à trois copies, mais bien le nouvelliste à 30 copies.

Mais la conversation porte plutôt sur le Prix régional attribué la veille. Mon collègue se plaint de ne pas l’avoir remporté dans sa catégorie. Dahhh! C’est parce que cette récompense s’adresse aux gens d’ici, pas à des écrivains de la métropole. Et même si l’organisateur à la patience d’ange lui explique tout ça, le nouvelliste n’en démord pas.

-AU SECOURS!

Un cri de mort me fait sursauter. Je me retourne et j’aperçois de la fumée à une table de signatures prise d’assaut par une ribambelle d’enfants. Une grosse touffe de peluche court dans tous les sens, hurlant à l’aide. La gentille souris, l’héroïne de tous les petits, est en feu. Des flammes s’échappent de sa longue queue qui traîne au sol!

Ah non, c’est de cette souris-là dont le bénévole parlait. Celle qui est personnifiée par un charmant camarade qui ne mérite certainement pas de mourir calciné dans son déguisement.

Arrivant de nulle part, des pompiers en herbe éteignent l’incendie grâce à de petits extincteurs, limitant les dégâts è cette partie du costume. Ouf! Tout le monde respire mieux.

 

Ami-souris

Notre  ami-souris est amené dans le salon des auteurs pour se remettre de ses émotions, sous les pleurs des bambins qui ne comprennent pas ce qui s’est passé. Moi non plus d’ailleurs. Mais visiblement, le bénévole avait prévu le coup.

Je me morfonds en excuse, lui disant n’avoir rien compris à sa demande. Il m’explique que de petits chenapans s’amusent à jouer des tours malicieux au célèbre personnage. Et ça passe toujours par sa queue. Ils la coupent, l’attachent à un barreau de chaise ou… la font prendre en feu.

Je suis scandalisée! La prochaine fois, ami-souris, tu pourras compter sur moi. Je la surveillerai, ta queue. D’aussi près que possible.

 

 

 

«Surveille sa queue!»

Quoi? Qu’est-ce que vient de me demander l’adorable bénévole du Salon du livre où je me trouve pour la journée? De surveiller… une queue. Mais la queue de qui, bon sang?

 

ILLUSTRATION JOHANNA REYNAUD