1000 kilomètres en mer, ça permet d’aller à la rencontre d’animaux nordiques dans leur habitat naturel. Ours polaires, phoques et oiseaux arctiques rivalisaient pour la meilleure place dans mon album-souvenirs. Mais un constat s’impose: la faune polaire est menacée.
La chance que nous avions de voguer sur un brise-glace de plaisance était immense. Nous n’étions ni pressés par le temps ni par une quelconque mission commerciale. Ainsi, quand Maxime Le Flaguais (oui oui, le comédien québécois était un des passagers invités à bord de l’expédition) a repéré un premier ours polaire, nous avons pu tout arrêter et apprécier le moment.
En neuf jours, on aura la chance de voir quatre ours polaires.
L’histoire détaillée de ma rencontre avec les trois premiers est ici.
Les scientifiques estiment la population d’ours polaires à 16 000 au Canada, et à 25 000 dans le monde.
J’ai donc vu 0,016 % des représentants de leur espèce pendant mon périple. Quand même.
Comme l’ensemble de l’Arctique, les populations d’ours polaires canadiennes sont menacées par les changements climatiques. Car le terrain de chasse principal des bêtes, c’est la banquise. C’est là que les maîtres du Grand Nord attaquent les phoques, leur principale source de nourriture.
Malheureusement, le réchauffement mondial de la planète pousse la glace à quitter le détroit de Davis beaucoup plus rapidement qu’avant au début de l’été, et à se reformer plus tardivement en automne. Bien que l’animal soit un excellent nageur capable de couvrir des distances de centaines de kilomètres, les bêtes blanches ont quand même perdu plusieurs semaines de chasse aux phoques depuis quelques années. Les spécialistes estiment que la saison de chasse est aujourd’hui amputée de sept semaines comparativement aux années 1970.
Sur notre bateau se trouve Vicki Sahanatien, chercheuse au Conseil de gestion de la faune du Nunavut. Émerveillée comme tous les passagers devant la femelle et son bébé, elle me confie tout de même être inquiète du sort de l’ours polaire. Même si la femelle rencontrée semble en bonne santé, «bien grasse comme il se doit», celles d’autres populations étudiées ont moins de chance. La forme physique des femelles décline et plusieurs ne sont plus en mesure de s’occuper de leurs bébés. En somme, c’est tout le processus de reproduction qui peut dérailler et entraîner une diminution globale de la population.
Pour ce qui est de la chasse, pas de panique pour le moment. «Oui, les Autochtones peuvent chasser les bêtes, mais le plus grand danger pour elles, ce sont les changements climatiques», assure Vicki.
Nous avons également eu la chance d’observer de typiques oiseaux du Nord de près: les guillemots de Brünnich. Ces volatiles à la tête noire nichent sur les côtes et les îles de l’Arctique européen, américain et asiatique. Il s’agit d’un des oiseaux les plus communs de la région.
Les guillemots sont de véritables professionnels des mers. Ils y vivent toute l’année, à l’exception des deux mois passés sur les falaises des îles où ils se réfugient à l’abri des prédateurs pour pondre et couver leurs œufs.
Sur l’île Hantszch, à près d’une journée de navigation d’Iqaluit, nous avons pu approcher les oiseaux en Zodiac, et ils étaient plusieurs milliers à produire un son assez impressionnant.
Quand on va à la rencontre de la faune arctique, on n’a pas le choix de constater à quel point tout est lié, et particulièrement les effets du réchauffement climatique qui modifient non seulement la routine des ours polaires, mais une bonne partie de la chaîne alimentaire.
En perdant environ sept semaines de chasse sur la banquise par année, les ours polaires reviennent passer ce temps sur la terre ferme. Et ils se tournent naturellement vers les colonies d’oiseaux et leurs œufs pour se nourrir.
Le cycle de reproduction des oiseaux est donc à son tour détruit par leurs nouveaux prédateurs. Tous ces changements se sont produits dans les 30-40 dernières années, un temps très court, nous explique Grant Gilchrist, un chercheur à Environnement et Changement climatique Canada qui fait également le voyage avec nous.
En échangeant avec les scientifiques à bord du Canada C3, je me fais rappeler que la planète est interconnectée. Les océans se rejoignent, bien sûr, mais on oublie trop souvent que les animaux couvrent beaucoup de distance en une année, connectant ainsi entre elles les régions les plus reculées du monde.
On a retrouvé dans le ventre des oiseaux arctiques des contaminants venus d’aussi loin que les champs agricoles d’Indonésie ainsi que des déchets du Texas: bouchons de plastique, jouets d’enfants, diachylons, etc.
Fragile, la planète. Ça peut sonner cliché, mais quand on a la chance de visiter des endroits où très peu d’humains ont mis le pied avant nous et qu’on se rend compte que même là, la nature est menacée par l’homme, le rappel est brutal.